Les compositions enchantées de Katelyn Eichwald ne sont pas peintes sur leurs toiles autant qu’elles émergent de leurs fibres, planant provisoirement à la surface assez longtemps pour que nous puissions distinguer les informations qu’elles sont venues transmettre. En parcourant Castles, la première exposition personnelle de Katelyn Eichwald en Europe, enveloppée par les murs roses de la galerie, les fils d’une histoire nébuleuse commencent à se tisser. Forteresses eschériennes, chaînes scintillantes, dentelles entrecroisées et cheveux tressés sont ponctués de tableaux d’animaux sylvestres et de fleurs délicates. Un tendre sentiment de prise au piège s’en dégage. Nous nous sommes entretenues avec Katelyn, qui est basée à Chicago, à l’occasion de son début à Sultana, à Paris et à Arles du 1er avril au 28 mai.
~ Mélanie Scheiner
MS : Cet ensemble de peintures est très romantique, comme si tu voulais nous transporter dans un autre temps et un autre lieu. Ces peintures ont aussi quelque chose d’étrangement familier : les châteaux, les portes verrouillées, les animaux et la flore bucolique. Quelle est ta relation avec les contes ? Y en avait-il un en particulier que tu avais à l’esprit en réalisant ces œuvres ?
KE : En quelque sorte... Je pense à Barbe Bleue depuis, je ne sais pas, douze ou treize ans. Pour une raison quelconque, ça m’a toujours marqué. Et j’ai lu beaucoup de versions différentes, ce qui est une autre raison pour laquelle je pense qu’il est si intéressant, parce que tant d’auteurs différents l’ont repris et se le sont approprié. Il y a tellement de versions de la fin, tant d’éléments différents qu’on peut insérer dans cette histoire. Tu veux que je résume l’histoire ?
MS : Oui, bien sûr.
KE : Il s’agit d’un noble dans un château qui est connu pour avoir eu plusieurs épouses et les avoir faits disparaître. Mais il demande à une autre jeune femme de l’épouser et pour une raison ou une autre - il y a différentes versions qui expliquent pourquoi elle s’intéresse à cet homme, il la courtisait avec son argent par exemple - elle accepte d’être sa femme et de vivre dans le château éloigné. Puis il est appelé à l’étranger pour des raisons professionnelles et lui donne toutes les clés du château en lui disant : “Tu peux utiliser n’importe laquelle de ces clés pour entrer dans n’importe quelle pièce sauf une.” Dans la version de Joyce Carol Oates, “Blue-Bearded Lover”, la femme n’est pas du tout curieuse. Elle n’a aucune envie d’entrer dans cette pièce, elle s’en fiche complètement, elle est juste très attirée par ce type et veut vivre une vie de luxe avec lui, et il finit par la forcer à regarder dans la pièce. Il lui dit : “Non, c’est le but, tu dois regarder, tu dois être curieuse”. Elle finit par s’y intéresser, elle regarde dans la pièce et trouve les corps de toutes les femmes précédentes de son mari accrochés à des crochets à viande. Cette histoire de crochets à viande est un détail très cohérent dans toutes les versions de l’histoire, et c’est ce qui m’a attiré. Les crochets à viande sont tellement contemporains qu’ils sont viscéraux, et le moment d’horreur qui suit leur découverte peut être associé à de nombreuses situations différentes.
MS : J’ai lu que Barbe-Bleue fait partie d’un genre ancien de contes classés dans la catégorie “les effets fatals de la curiosité féminine”, le plus ancien étant évidemment Adam et Ève. C’est un leitmotiv que l’on voit encore et encore dans les films d’horreur : entrer dans une pièce et être confronté à l’horreur.
KE : Et savoir qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Cette histoire m’intéresse depuis longtemps. Et elle revient - il y a une version de Donald Bartheleme, une version de Margaret Atwood, il y en a un million et elles sont toutes différentes. Même dans Succession, la série de HBO - les références à ce sujet surgissent à différents moments - l’un des personnages mentionne à un autre dans la deuxième saison qu’elle commence tout juste à comprendre la capacité de violence et d’horreur de cet homme. Il ne s’agit pas d’une relation romantique, mais elle dit qu’il est agréable d’être une nouvelle mariée, de réorganiser l’appartement du célibataire, de mettre des fleurs, mais qu’elle ne veut pas trouver un cadavre dans le congélateur. Et ce moment d’horreur fait aussi référence à tout ça. Ce n’est pas toute l’histoire de l’exposition, mais c’est quelque chose qui a toujours existé, et j’ai joué avec cela dans ce travail plus qu’avant.
MS : J’ai souvent pensé que la définition d’un “classique”, dans une certaine façon, réside dans sa capacité d’adaptation. Je me suis toujours demandé si ces classiques étaient si durablement adaptables parce qu’ils capturent des dynamiques sociales qui sont fondamentalement vraies, et que la nature humaine ne change jamais. Le fait de t’entendre décrire la façon dont tu vois une référence à Barbe-Bleue dans Succession m’a fait penser à l’expérience beaucoup plus courante, mais néanmoins horrifiante, d’être intime avec quelqu’un et de découvrir une autre facette de cette personne qu’on ne pouvait pas voir avant. C’est très élémentaire, mais tout aussi vrai sur le plan émotionnel que la découverte d’un cadavre dans le congélateur. En regardant les peintures de cette exposition, je ne penserais pas nécessairement à Barbe-Bleue en soi, mais il y a quelque chose... elles sont idylliques et douces, avec quelque chose de sinistre qui s’y cache derrière... peut-être que j’y pense trop. Quel a été le point d’entrée pour toi ?
KE : J’ai commencé par le château et j’essaie toujours de comprendre ce qui m’intéresse tant dans ce château. Formellement, c’était une chose vraiment intéressante et différente à peindre. Pour ma dernière exposition [Never à Fortnight Institute, New York], j’ai vraiment aimé faire Chapel (2021), et c’était mon point d’entrée. Je voulais continuer à partir de là pour essayer de la peindre à nouveau. Mais en pensant aux fables qui sont réécrites encore et encore, j’ai l’impression qu’un château est quelque chose à la fois lié à un moment historique spécifique - différents types de châteaux, différents lieux qui étaient de véritables repères historiques - et quelque chose qui existe en dehors du temps. Ils sont essentiellement devenus un raccourci pour “il était une fois dans un pays lointain”. J’ai beaucoup réfléchi au temps depuis la dernière exposition, et à ce qu’est la capture d’un moment. Pour cette dernière, je travaillais principalement à partir de captures d’écran de différentes émissions de télévision ou de films, alors que pour ce travail, je ne l’ai pas fait autant. Mais je voulais quand même jouer avec cette idée de comment allonger le temps dans une peinture, comment être dans le présent tout en y étant pas non plus.
MS : Pour ces œuvres, as-tu utilisé des images de référence ?
KE : Pour certaines, oui, parfois j’ai tout simplement trouvé des choses dans des livres ou en ligne que je pouvais utiliser et déplacer. Il y a Tied Up (2022), un corset, pour lequel j’ai utilisé une image des archives du Met. Des choses comme ça, que je recadrais ensuite moi-même ou sur lesquelles je zoomais pour modifier le formatage, ce qui était nouveau pour moi. Normalement, la capture d’écran guide ma composition. Mais pour cette exposition, honnêtement, durant
les premiers mois de ma grossesse, je ne pouvais pas regarder la télévision sans avoir la nausée, alors je me suis demandé comment aborder ces idées d’une autre manière.
MS : Pour en revenir à la question du temps, l’article d’Elizabeth Buhe au Brooklyn Rail sur ta dernière exposition a très bien exprimé ces idées, en écrivant que les référents que tu choisis “existent dans cette marge entre le tout à fait spécifique et le général non identifiable”. Cela me fait penser au concept de punctum de Roland Barthes, spécifique au médium de la photographie. “[C’est cet élément] qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer”. Il s’agit d’un détail ou d’un accident hyper spécifique dans une photo, comme le regard latéral d’un passant surpris en train de fixer l’appareil photo au moment même où la photo est prise, qui n’a aucune signification culturelle ou symbolique en dehors de sa propre nature, et qui pourtant écrase le reste de l’image par sa réalité, provoquant une réaction émotionnelle chez le spectateur. De même, le punctum est à la fois inextricablement lié à son moment historique particulier et déchire les couches de temps qui le séparent du spectateur. Maintenant et pas maintenant.
KE : Oui, je vois ce que tu veux dire.
MS : J’imagine que c’est un défi à relever avec tes peintures parce que tout est prémédité, dans une certaine mesure.
KE : C’est une chose étrange d’essayer à faire dans une peinture. Et je ne fais pas les peintures en pensant vraiment à cela, avec ces questions en tête. C’est sous la surface, tu sais. Mais quand j’essaie d’atteindre un sentiment particulier dans une peinture et que je n’y suis pas tout à fait, et que j’essaie de comprendre comment y arriver, le sentiment que j’essaie d’atteindre est une certaine forme d’intemporalité ou de sentiment de temps arrêté. Comme lorsque on regarde quelque chose et qu’on est momentanément hors du temps et hors de soi-même. Ce qui est peut-être lié à ce moment où l’on entre dans une pièce remplie de corps accrochés à des crochets à viande. C’est un sentiment qui vous prend aux tripes, comme lorsque vous êtes sur des montagnes russes. Il y a quelque chose de physique qui est désorientant mais aussi hyper concentré.
MS : Ça me fait penser à un peu de déjà-vu. Cette sensation d’être là, dans le présent, tout en se regardant avec un décalage de quelques millisecondes. Comme si on se disait : “Je connais ça”, mais ensuite on commence à y penser et ça disparaît. C’est un peu hors du corps, en un sens.
KE : Oui, absolument. Et pendant que tu penses que c’est du déjà-vu, tu changes ce qui se passe et alors ce n’est plus ce dont tu te souvenais.
MS : C’est cette fraction de seconde où l’on vit un souvenir qui n’a jamais été le sien au départ. J’ai toujours été intrigué par la façon dont les moments individuels, les plans discrets d’un film par exemple, ne contiennent pas nécessairement l’histoire ou les émotions auxquelles nous nous identifions. Cela se passe dans ce tiers-espace nébuleux entre les deux images. Le sens est construit par la juxtaposition des choses. Il n’est pas objectivement présent, mais il existe parce qu’on le produit et le ressent. J’ai beaucoup réfléchi à cette exposition en parallèle avec le roman d’Italo Calvino de 1973, Le Château des destins croisés. Le narrateur se trouve dans une auberge de voyageurs isolée, installée dans un château, quelque part à la lisière d’une forêt. Assis parmi d’autres invités dans la salle à manger, il découvre que lui et tous les autres présents ont perdu la capacité de parler. À sa table, quelqu’un sort un jeu de cartes de tarot, et un par un, chaque invité utilise les cartes pour raconter l’histoire de son arrivée à l’auberge. C’est très amusant, des histoires de chevaliers et d’alchimistes. Le livre est constitué de ces courtes histoires dans lesquelles le narrateur détaille les cartes disposées et ses interprétations de ce qu’elles essaient de transmettre. Cela m’a fait beaucoup réfléchir aux thèmes que l’on retrouve dans Castles, l’aspect féerique, le mystère, la nature archétypale de tout cela. Mais aussi à tes peintures de manière plus générale, à la manière dont elles se concentrent sur des moments spécifiques ou présentent davantage de “ plans d’ensemble “... leur qualité cinématographique, dont on a déjà parlé. Le lien pour moi était de penser à tes peintures comme à des cartes de tarot, comme un jeu d’unités narratives que le spectateur peut réarranger à l’infini pour créer sa propre interprétation.
KE : J’adore le fait que les cartes puissent apparaître à l’envers, et que leur signification soit inversée. En fait, l’une des peintures, In or Out (2022), était à l’origine une peinture d’une carte de tarot, on peut encore l’apercevoir en dessous. C’était la carte de la Tour, qui ressemble à un château. Il s’agissait d’une version particulière de la carte, où la tour est en feu et s’effondre, et où des corps s’envolent. Le tableau n’a pas abouti, mais c’était aussi une sorte de point de départ pour moi. Lorsque je développe un ensemble d’œuvres, j’aime penser à ce qui va suivre. J’ai vraiment l’impression d’avoir les éléments constitutifs d’un récit, à la manière du tarot, qui peut être grammatical, comme une structure de phrase. Ce qui vient dans quel ordre est important, et quand les choses sont révélées est important. Je pense que chaque tableau a sa propre grammaire, comme le sentiment que l’on ressent en premier, en second, etc... Je ne veux jamais qu’il soit équilibré, je ne veux pas qu’il soit à la limite entre quelque chose de joli et d’inquiétant. Je ne veux jamais que ce soit équilibré, je ne veux pas que ce soit sur cette ligne entre quelque chose de joli et de dérangeant. Je veux que le tableau soit instable.
MS : Comme dans une lecture de tarot, chaque nouvelle carte, ou élément d’information, change complètement la signification des cartes précédentes. Ce n’est pas stable tant que ce n’est pas terminé.
KE : Exactement. Plus tard, ou pendant que je les fais, je réfléchis aux points de l’intrigue qui manquent, ou aux noms qui manquent.
MS : Dans une composition ou dans l’ensemble de l’œuvre ?
KE : Les deux. Lorsque j’ai réfléchi aux peintures à inclure dans cette exposition, je me suis beaucoup demandé “ de quoi cela avait-il besoin ? “. Est-ce trop loin dans un sens ou dans l’autre ? Qu’est-ce que cela ferait d’introduire un petit oiseau dans l’équation ? Par exemple, où cela nous mène-t-il, quelle autre pièce du château cela révèle-t-il ? Ou quel nom cela ajoute-t-il à cette phrase ? J’aime donc beaucoup penser aux cartes de tarot, car elles sont très liées.
MS : L’une de mes meilleures amies est cinéaste et une très bonne monteuse, ses films prennent tout leur sens au montage. Elle est également très douée pour lire les cartes de tarot, et je n’ai jamais fait le lien avec le fait qu’elle puisse être forte dans ce domaine parce qu’elle est douée pour réassembler le sens. En lisant le livre de Calvino, j’ai remarqué que chaque histoire recyclait les cartes de l’histoire qui la précédait. C’est comme s’il s’agissait d’outils, ce qui est une façon très amusante pour les gens de se déplacer dans l’exposition. Vous pouvez vraiment assembler votre propre histoire. Y-a-t-il une narration sur laquelle tu travailles et que tu gardes pour toi ? Ou ta structure de phrase, pour ainsi dire, est-elle davantage déterminée par un intérêt formel pour les sentiments et les images que tes peintures évoquent ?
KE : Il y a définitivement un sentiment de narration lorsque je travaille, ce n’est pas seulement formel. Mais je n’ai pas une narration particulière qui me tire vers le haut ou que je garde pour moi. Il s’agit plutôt d’une image vague. Par exemple, au cours des dernières étapes de la réalisation de cette œuvre, je pensais à une femme enfermée dans un château et qui ne pouvait pas partir. Alors, que ferait-elle de son temps ? J’ai pensé aux cisailles de jardin, aux fleurs et aux objets de la maison qui doivent être entretenus, comme la tasse à thé. A quoi occuperait-elle son temps et que ressentirait-elle en étant dans ces espaces tout en sachant au fond d’elle-même qu’elle est piégée quelque part. Il s’agit donc plus d’entrer dans le sentiment de la peinture que d’avoir une narration spécifique.
MS : Comme la mise en scène.
KE : Oui, parce que si j’avais une narration spécifique, je la partagerais. Je ne veux pas manquer de générosité à ce sujet. Je veux donner tout ce que j’ai quand je le fais. Je ne pense pas que j’aurais une intrigue et que je n’en partagerais que des petits bouts. Ce ne sont que des petits bouts. C’est un peu le but.
MS : Je ne pense pas qu’il serait malhonnête de ne pas partager une intrigue, car il y a d’autres façons de discerner une histoire. J’ai récemment acheté ces petits livres de poche chez un micro-éditeur qui se concentre sur les processus d’appropriation de l’écriture, et l’un d’eux était une traduction ou une adaptation de Jacques le Fataliste et son maître de Diderot du 18ème siècle, que j’étais impatiente de lire. Quand il est arrivé, il n’y avait que les notes de bas de page. Les pages étaient vierges ! Je me suis sentie un peu dupée, jusqu’à ce que je réalise que c’est aussi une façon de raconter une histoire.
KE : Je serais tellement énervée, mais tu as raison.
MS : C’est intéressant de se concentrer sur les dispositifs de narration ou leurs supports, plutôt que sur l’histoire elle- même. Quand on enlève la narration centrale, le marginal peut apparaître.
KE : Avec les captures d’écran, j’ai pris l’habitude d’essayer de trouver le moment qui n’a pas besoin de toute cette intrigue.
MS : C’est une façon précise de lire les images, et de penser à la narration dans ce sens. Cela nous ramène au montage et à l’image animée : séquencer ses plans pour faire transpirer le maximum d’informations. À New York, j’ai eu la chance d’obtenir un exemplaire de la petite publication qui accompagnait ta dernière exposition. J’étais vraiment curieuse de connaître tes références de spectacles et de films - elles doivent être énormes.
KE : C’est une fraction, j’en ai des milliers. Je dois reconnaître le mérite de Kayla [Gartenberg] du Fortnight Institute, qui les a présentées de façon vraiment magnifique.
MS : Donc tu lui as donné les captures d’écran et elle les a montées ensemble ?
KE : Oui, je les lui ai données, elle les a organisés et nous les avons examinées ensemble. Je fais des captures d’écran pour me rappeler ce qui m’intéresse, l’ambiance, le moment ou le sentiment que j’essaie d’atteindre, ou ce qui est vraiment présent pour moi à ce moment-là. Parfois, elles restent là pendant des années, puis je les utilise pour une peinture, et parfois j’ai besoin de les peindre tout de suite. Et elles proviennent de n’importe quoi. J’adore la télévision, donc la plupart d’entre eux viennent de la télévision. Mais c’est une façon d’essayer de comprendre ou d’identifier ce que je ressens ou ce que je veux faire sortir. Quelque chose qui est mystérieux, même pour moi, mais que je reconnais à un moment donné à l’écran, et que je collectionne ensuite.
MS : La télévision est faite pour être si transparente, presque anesthésiante, qu’elle doit devenir intéressante lorsque
tu commence à apprendre à prêter attention aux différents types de plans et que tu te rends compte de l’éventail des choix disponibles pour cadrer une image et transmettre une idée. Il y a tous ces choix que nous, spectateurs, considérons comme acquis. Tu as manifestement un œil très aiguisé pour cela. Tu te vois faire un jour un film ?
KE : Tu sais, je n’y ai jamais pensé. Je pense que ce serait vraiment amusant. Je n’aurais aucune idée de comment m’y prendre... J’ai l’impression que je devrais faire mes propres captures d’écran, puis les mettre en ordre.
Katelyn Eichwald’s enchanting, quiet compositions aren’t painted onto their surface as much as they emerge from their fibers, hovering tentatively at the surface long enough for us to make out the information they have come to convey. Moving through Castles, Eichwald’s first solo exhibition in Europe, ensconced by the gallery’s dusty pink walls, the strands of a nebulous story begin to take shape. Escherian fortresses, glimmering chains, criss-crossed laces and plaited hair are punctuated by tableaux of sylvan animals and delicate flowers. A tender sense of entrapment pervades. We spoke with Katelyn, who is based in Chicago, on the occasion of her debut at Sultana, on view across the gallery’s Paris and Arles locations from 1 April - 16 May.
~ Mélanie Scheiner
MS: This collection of paintings feels unmistakably romantic, like they want to transport me to a different time and place. There is also something uncannily familiar about them: the castles, the locked doors, the bucolic animals and flora. What’s your relationship with folktales? Were there any in particular that you had in mind while making these works?
KE: Sort of...I’ve been thinking about Bluebeard for, I don’t know, twelve or thirteen years. For some reason, it always stuck with me. I pick up on it when it’s referenced in different places and I’ve read a lot of different versions of it, which is another reason why I think it’s so interesting, because so many different authors have taken it and made it their own. There are so many versions of the ending, different elements you can plug and play into the story. Should I recap the story?
MS: Sure
KE: There’s a nobleman in a castle who is known for going through several wives and having them disappear. He asks another young woman to marry him and for whatever reason — there are different possibilities for why she’s interested in this man, maybe he woos her with his money — she agrees to be his wife and live in the remote castle. Then he is called away on business or something and gives her all the keys to the castle and says “you can use any of these to go into any room you want, but you can’t go into this one room.” In the Joyce Carol Oates’ version, “Blue-Bearded Lover”, the wife is completely incurious. She has no desire to go into this room, doesn’t care at all, she’s just really hot for this guy and wants to live this fancy life with him and he ends up forcing her to look in the room. He’s like, “No this is the point, you have to look, you have to be curious”. But typically the wife is drawn to the room, unlocks the door, and finds the bodies of all of her husband’s previous wives hung up on meat hooks. And the meat hooks thing is a really consistent detail across versions of the story, and that’s part of my draw to it. The meat hooks are so contemporary almost, it feels very visceral, and that moment of horror upon discovery is also very relatable to a lot of different situations.
MS: I was reading that Bluebeard falls into a longstanding genre of tales categorized under “the fatal effects of female curiosity”, the oldest obviously being Adam & Eve. It’s a trope we see over and over again in scary movies: walking into a room and being confronted with horror.
KE : And having it all laid out and knowing that there’s no going back. So I’ve just been interested in that story for a long time. And it comes up - there’s a Donald Bartheleme version, there’s a Margaret Atwood version, there’s a million and they’re all different. Even in Succession, the HBO series, one of the characters mentions to another that she is beginning to understand the capacity for violence and horror in this man. It’s not a romantic relationship necessarily, but she’s talking about how it’s nice to be a new bride, rearranging the bachelor’s apartment, putting flowers out, but she doesn’t want to find a corpse in the freezer. This isn’t the whole story of the exhibition, but it’s something that’s always been around, and I played with it more in this body of work than in previous ones.
MS: I’ve often thought that the definition of a “classic”, in a sense, lies in its capacity for adaptation. I’ve always wondered whether they are so enduringly adaptable because they capture social dynamics that are just fundamentally true, and human nature doesn’t change? Just listening to you describe the way Bluebeard appears for you in Succession made me think of the way more common, but nevertheless horrifying, experience of being intimate with someone and then discovering another side of them that you couldn’t see beforehand. That’s very basic, but just as emotionally true as finding a corpse in the freezer. In looking at the paintings in this exhibition, I wouldn’t necessarily think of Bluebeard per se, but there is something...they’re idyllic and soft with something ominous lurking...maybe I’m reading too much into it now. What was the point of entry for you?
KE: I started with the castle and I’m still trying to figure out what it is about the castle that interests me so much. Formally it was a really interesting, different thing to paint. For my last exhibition [Never at Fortnight Institute, New York], I really enjoyed making Chapel (2021), and that was my entry point. I wanted to keep going from there to try to paint it again. But in thinking about fables that are generated over and over again, I feel like a castle is something both tied to a specific historical moment - different kinds of castles, different places that were real historical landmarks - and something that exists outside of time. They’ve essentially become shorthand for “long ago and far away”. I’ve been thinking about time a lot since that last show, and what it is to capture a moment. For that, I was working off screenshots of different TV shows or movies mostly, and for this body of work I wasn’t so much. But I still wanted to play with that idea of how to extend and blur time within a painting, like being now and also not now.
MS: For these works were you using any reference imagery?
KE: For some I did, sometimes I just found things in books or online that I could use and then move around. For Tied Up (2022), of a corset, I used an image from the Met archive. Things like that, that I would then crop myself or zoom in to change the formatting, which was new for me. Normally the screenshot guides my composition. But for this show, I mean honestly, in those early months of my pregnancy I couldn’t watch TV without getting nauseous so I was kinda like, how do I get at these ideas in another way?
MS: Going back to the time thing, Elizabeth Buhe’s review of your last show in the Brooklyn Rail articulated those ideas so well, writing that the referents you choose “exist in that margin between the utterly specific and the unidentifiably general”. It brings to mind Roland Barthes’ concept of the punctum, specific to the medium of photography. “It is this element which rises from the scene, shoots out of it like an arrow, and pierces me”. It’s a hyper-specific detail, or accident in a photo, like the side-glance of a passerby caught staring directly at the camera at the very moment the picture is taken, that has no cultural or symbolic significance outside of its own thing-ness, and yet overwhelms the rest of the image with its realness, causing an emotional response in the viewer. The punctum is, similarly, both inextricably linked to its particular historical moment and tears through the layers of time between it and the viewer. Now and not now. I imagine this is a challenge to achieve with your paintings because everything is premeditated, to an extent.
KE: It’s a weird thing to try and do in a painting. When I’m trying to get at a particular feeling in a painting, it’s often a certain kind of timelessness or sense of stopped time. Like when you look at something and you are momentarily outside of time and outside of yourself. Which is maybe related to that moment of walking into a room full of bodies on meat hooks. It’s something of a gut-dropping feeling, like when you’re on a rollercoaster. There is something kind of physical that is disorienting but also hyper focused.
MS: It’s making me think a little bit of déjà-vu. That sensation of being there in the present while watching yourself with a millisecond lapse. Like, “I know this’’, but then you start thinking about it and it disappears. It’s a little out of body, in a sense.
KE: Yeah, absolutely. And while you’re thinking about it being déjà-vu, you’re changing what’s happening and then it’s no longer what you remembered.
MS: It’s that split second of experiencing a memory that was never yours to begin with. I’m intrigued by the way that individual moments, discrete shots from a film for example, don’t necessarily contain the story or emotions that we’re identifying with. It happens in that nebulous third-space in between the two images. Meaning is constructed by the juxtaposition of things. It’s not objectively there, but it exists because you produce it and feel it.I’ve been thinking a lot about this show alongside Italo Calvino’s 1973 novel The Castle of Crossed Destinies. The narrator finds himself at a remote traveler’s inn housed in a castle somewhere on the edges of a forest. Seated among other guests in the dining room, he discovers that he and everyone else there have lost the ability to speak. At his table, someone takes out a deck of tarot cards, and one by one each guest uses the cards to tell the story of how they arrived at the inn. It’s very fun, tales about knights and alchemists. The book consists of these short stories in which the narrator details the cards laid out and his interpretations of what they are trying to convey. It made me think a lot about the themes found in Castles, the fairytale aspect, the mysteriousness, the archetypal nature of it all. But also in the sense of your paintings more generally, in the way they hone in on specific moments or present more ‘establishing shots’...the cinematic quality of them that has already been written about. The link for me was thinking about your paintings as the tarot cards, like a deck of narrative units that the viewer can endlessly rearrange to craft their own interpretation.
KE: I love how cards can appear upside down, and the meaning will be flipped. Actually one of the paintings, In or Out (2022), used to be a painting of a tarot card, you can still kind of see it underneath. It was the Tower card, again kind of like a castle. It was a particular version of the tower card where the tower is on fire and crumbling and bodies are flying off it. The painting didn’t work out, but that was kind of a starting point for me as well. When I’m developing a body of work, I love thinking about what comes next. It definitely feels like the building blocks of a narrative in the way that tarot can be grammatical, like a sentence structure. What comes in what order is important, and when things are revealed is important. I think each individual painting has a grammar to it, like what is the feeling you get first, second, etc. At a later point, or as I’m doing them, I’ll think about what plot points are missing, or what nouns are missing.
MS: Within a composition or within the overall body of work?
KE: Both. In thinking about what paintings to include in this exhibition, there was a lot of “what does this need?” Is it too far one way or another? What would it feel like to enter a lovebird into the equation? Like, where does that take us, what other room does that reveal in the castle? So I love thinking about it as tarot cards because it is very much related.
MS: One of my best friends is a filmmaker and a fantastic editor, her films really come together in the cut. She’s also a very skilled tarot card reader, and I never really made the connection that she might be strong at it because she’s good at reassembling meaning. Something I was thinking about when I was reading the Calvino was that each story recycles the cards from the story that came before it. It’s like they’re tools really, which is such a fun way for people to move through the exhibition. You can really assemble your own story. Is there a narrative you’re working along that you keep to yourself? Or is your sentence structure, so to speak, more determined by a formal interest in the feelings and imagery your paintings evoke?
KE: There’s definitely the feeling of narrative when I’m working, it’s not only formal. But I don’t have one particular narrative that pulls me along or that I keep to myself. It’s much more of a vague image. Like, during the later stages of making this work I was thinking about a kept woman in a castle who couldn’t leave. So what would she do with her time? I thought of the garden shears and the flowers and things around the home that have to be maintained, like the teacup. Like what would she be filling her time with and what would it feel like to be in those spaces while knowing in the back of her head that she was trapped. So it’s more like entering the feeling of the painting rather than having a specific narrative.
MS: Like world building.
KE: Yeah, because if I had a specific narrative I would share it. I don’t want to be ungenerous about it. Like I want to give whatever it is that I have when I’m making it. I don’t think I would have a plot and then only share little bits of it. It kind of is only the little bits of it. That’s kind of the point.
MS: I don’t think it would be ungenerous to not share a plot, because there are other ways to discern a story. I recently bought these little chapbooks from a micropublisher that focuses on appropriative writing processes, and one of them was a translation or adaptation of Diderot’s Jack the Fatalist from the 18th century, which I was excited to read. When it arrived, there were only the footnotes. The pages were blank! I felt a bit bamboozled, until I realized that this is also a way of telling a story.
KE: I’d be so annoyed, but you’re right.
MS: It’s interesting to focus on the devices of storytelling or its supports, rather than the story itself. When you take out the central narrative, the peripheral can come through.
KE: With the screenshots, I got used to trying to find the moment that doesn’t need all that plot.
MS: It’s a precise way of reading images, and thinking about narrative in that sense. It goes back to editing and moving-image: sequencing your shots to transpire the maximum amount of information. In New York I was lucky enough to get a copy of the little publication that accompanied your last exhibition. I was really curious about your references of shows and movies - they must be enormous.
KE: That’s a fraction, I have thousands of them. I have to give credit to Kayla [Gartenberg] from Fortnight Institute who ordered them really beautifully.
MS: So you gave her the screenshots and she edited them together?
KE: Yeah, I gave them to her and she ordered them and we went through it together. I take screenshots as a way of reflecting back to myself whatever it is I’m interested in, or what kind of mood, or moment, or feeling I’m trying to get at, or feels really present for me at the time. So sometimes they sit for years and then I use them for a painting, and sometimes I need to paint them right away. And they come from anything. I love TV, so most of them come from TV. But they’re a way to try to understand or pinpoint what it is that I’m feeling or want to get out. Something that’s mysterious even to myself but that I recognize in a moment on screen, and then collect.
MS: TV is made to be so seamless, almost anesthetizing, that it must become interesting when you start learning to pay attention to different types of shots and you realize the range of choices that are available to frame an image and convey an idea. There are all these choices that we as viewers take for granted. You obviously have a finely attuned eye for that. Could you see yourself ever making a film?
KE: You know, I never thought about it. I think it would be really fun. I wouldn’t have any idea how...I feel like I’d have to take screenshots of my own, and then order them.
PRESS RELEASE:
Katelyn Eichwald
Castles
Paris
01/04/22 - 28/05/22
Arles
13/04/22 - 28/05/22
Katelyn Eichwald (b.1987, Chicago, IL) lives and works in Chicago. She holds a BFA from the University of Illinois at Urbana-Champaign and an MFA from California College of the Arts, San Francisco. She has been the subject of two solo exhibitions at Fortnight Institute in New York: ‘Never’, 2021, and ‘Good Boy’, 2018. Select recent group exhibitions include: ‘Portals’, MISAKO & ROSEN (Tokyo, 2022); ‘Stress Tested’ co-curated by Emma cc Cook, Public Gallery (London, 2021); ‘In Resonance with David Byrd’, Fleisher/Ollman (Philadelphia, 2021); ‘Nine Lives’, Fortnight Institute (New York, 2021); ‘Library Arrangement’, ReadingRoom (Melbourne, 2021); ‘Face in the Wind’, Et al. (San Francisco, 2021); and ‘Lonely Ones’ curated by Katelyn Eichwald, Fortnight Institute (New York, 2021).
Forthcoming exhibitions include a two-person presentation at Liste Art Fair with Sultana, June 2022; ‘About Painting’, Galerie Rolando Anselmi (Rome, October 2022); and a two-person exhibition with T.J. Rinowski at Cob Gallery (London, November 2022).