Jean Claracq
Une fictions

Les 15 et 16 avril 2019, pendant près de quinze heures, la cathédrale Notre-Dame de Paris est en feux. La durée de l’incendie semble répondre à l’ancienneté du monument dont les travaux commencèrent en 1163. Ce spectacle, aussi violent que captivant, offre alors l’étrange sensation d’entrer de plein fouet dans une époque nouvelle. Une époque de l’accident, dont l’étymologie signifiant « évènement funeste » remonte à 1160.

Dans l’exposition de Jean Claracq Une fictions, le tableau du Shiba blanc qui a l’air empoté et mal à l’aise a été ré-encadré par l’artiste suite à un accident domestique au cours duquel, le chien du collectionneur a croqué une partie des baguettes en bois. Volontairement, l’artiste a pourtant décidé de garder les stigmates de l’évènement dont la violence vient dialoguer de façon presque grotesque avec l’aspect gauche de ce portrait de canidé issu des internets. Ainsi, cette première pièce active une sorte de rythmique propre à l’ensemble de l’exposition pour laquelle l’artiste livre un corpus d’images doubles et ambivalentes qui caressent et griffent à la fois la morale de nos sociétés modernes et occidentales. Une morale avec un recto et un verso, un premier et second plan, un ciel et une terre, un slip propre, un slip sale. Mais ici, la morale apparait comme une fiction dont le caractère équivoque est disséminé dans l’ensembles des œuvres exposées.

Cette double lecture se retrouve entre autre dans l’œuvre inspirée du tableau de Cranach (1472- 1553) Diane et Actéon dont la scène montre un chasseur transformé en cerf dévoré par sa propre meute. Mais chez Claracq, les bulldozers Caterpillar ont remplacé les chiens enragés et une scène de pique-nique celle du bain antique. L’artiste fonctionne ainsi souvent par récupération d’images issues de l’Histoire de l’art ou bien des réseaux pour les inclure dans ses compositions et produire une dissonance symbolique harmonisée par une cohérence de traitement des textures. On retrouve ainsi, au travers d’une fenêtre d’une cuisine de studio, un paysage aux accents Renaissance tandis que des morceaux de food porn provenant d’Instagram échouent sur un panneau publicitaire. L’artiste le sait, ce travail d’assemblage d’images normalement « éloignées » crée de la violence, de la même nature que celle produite par l’enchainement d’une story annonçant un vernissage suivi de vidéos de la guerre.

Pour trouver un équilibre entre ses pulsions de vie et ces pulsions de mort qui hantent notre présent, l’artiste a donc décidé de continuer à produire des images toujours à l’aide d’une technique virtuose mais également plus expressive, urgente, flirtant même avec un flou inédit. Il en ressort une sorte « d’inquiète concupiscence » notamment au travers de l’utilisation de formats particulièrement petits, faisant se réunir des morceaux du monde dont la condensation exerce autant de pression que d’attraction pour celles et ceux qui les regardent. Telle cette sculpture-fontaine qui a permis à l’artiste de s’interroger sur les raisons qui nous amènent à rendre les choses précieuses, comme le fait de faire reposer cette figurine sur la forme du fameux torse de jeune homme (1919-1924) de Constantin Brancusi. Une fictions est donc une exposition qui dévoile à la fois les plus grandes inquiétudes ainsi que les choses préférées de l’artiste et livre certains des mécanismes avec lequel il tente de continuer de créer, en rendant l’accident précieux et inversement.

Margaux Bonopera

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Jean Claracq
Une fictions

For nearly fifteen hours on 15 and 16 April 2019, Notre-Dame Cathedral in Paris was ablaze. The duration of the fire seems to reflect the age of the monument, work on which began in 1163. This spectacle, as violent as it was captivating, gave us the strange sensa- tion of entering a new era head-on. An era of accidents, the etymology of which dates back to 1160.

In Jean Claracq’s exhibition Une fictions, the painting of the awkward-looking White Shiba has been reframed by the artist following a domestic accident in which the collec- tor’s dog chewed through some of the wooden chopsticks. However, the artist has de- liberately decided to keep the stigma of the event, whose violence enters into an almost grotesque dialogue with the clumsy appearance of this Internet portrait of a canine. In this way, this first piece sets in motion a kind of rhythm for the exhibition as a whole, in which the artist delivers a body of dual, ambivalent images that both caress and scratch at the morality of our modern, Western societies. A morality with a front and a back, a foreground and a background, a sky and an earth, clean pants and dirty pants. But here, morality appears as a fiction whose equivocal nature is scattered throughout the works on display.

This dual interpretation is also found in the work inspired by the painting by Cranach (1472-1553) Diana and Actaeon, in which a hunter is transformed into a stag devoured by his own pack. But in Claracq’s work, Caterpillar bulldozers have replaced rabid dogs and a picnic scene has replaced the ancient bath. In this way, the artist often recovers images from the History of Art or from the networks to include them in his compositions and produce a symbolic dissonance harmonised by a coherent treatment of textures. Through the window of a studio kitchen, for example, we see a landscape with Renais- sance overtones, while pieces of food porn from Instagram land on a billboard. As the artist knows, this work of assembling normally ‘distant’ images creates violence, of the same kind as that produced by the sequence of a story announcing an opening followed by videos of the war.

To strike a balance between his life drives and the death drives that haunt us today, the artist has decided to continue producing images, still using a virtuoso technique, but one that is more expressive, more urgent, even flirting with an unprecedented blurriness. What emerges is a kind of ‘restless concupiscence’, particularly through the use of parti- cularly small formats, bringing together pieces of the world whose condensation exerts as much pressure as attraction on those who look at them. Like this fountain sculpture, which allows the artist to question the reasons that lead us to make things precious, or the fact that this figurine is based on the shape of Constantin Brancusi’s famous young man’s torso (1919-1924).

Une fictions is therefore an exhibition that reveals both the artist’s greatest anxieties and his favourite things, and reveals some of the mechanisms with which he tries to continue creating, making the accident precious and vice versa.

Margaux Bonopera

↑ © Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Sans titre, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 8,6x10,8 cm (Cadre/Frame : 10,8x13,1 cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Les sables, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 7,1 x 9,2 cm (Cadre / frame : 9,4 x 11,5 cm).
© Grégory Copitet
↑ © Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Rond-point, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 13 x 12 cm (Cadre / Frame : 14, 9x 15,2cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Diane et Actéon, 2020-2024
Huile sur bois / Oil on wood, 50 x 56,6cm.
© Grégory Copitet
↑ © Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Jérôme, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 16 x 13,8 cm (Cadre / Frame : 18,2 x 16 cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Résidence de prestige, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 19,5 x 13,2 cm (Cadre / Frame : 21,7 x 15,4 cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Rassemblement Lamborghini, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 3,1 x 6,3 cm (Cadre / Frame : 9 x 5,5 cm)
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Slip sale / Slip propre, 2020
Huile sur bois et cadre en plexiglass / Oil on wood and plexiglas frame, 5 x 7 cm, (Cadre / Frame : 10 x 14 x 4,5 cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Ville du soleil, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 8,4 x 11,2 cm (Cadre / Frame : 10,6 x 13,4 cm).
© Grégory Copitet
↑ © Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Blur More, 2024
Huile sur bois / Oil on wood, 9,2 x 10,4cm (Cadre / Frame : 11,5 x 12,5 cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Iconoclaste, 2024
Huile et morsures sur bois / Oil and bite marks on wood, 4,9 x 41 cm (Cadre / Frame : 12,5 x 11,5 cm).
© Grégory Copitet
↑ © Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Monument 2, 2024
Buis d’Amerique, Etain, Laiton, Moule en cuivre, Nickel, Perle naturelle, 27 x 35 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Monument 3, 2024
Buis d’Amerique, Etain, Laiton, Moule en cuivre, Nickel, Perle naturelle, 28 x 37 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Monument 1, 2024
Buis d’Amerique, Etain, Laiton, Moule en cuivre, Nickel, Perle naturelle, 23 x 40 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Monument 4, 2024
Buis d’Amérique, Etain, Laiton, Moule en cuivre, Nickel, Perle naturelle, 21 x 36,5 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Monument 5, 2024
Buis d’Amérique, Etain, Laiton, Moule en cuivre, Nickel, Perle naturelle, 33 x 37 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Monument 6, 2024
Buis d’Amérique, Etain, Laiton, Moule en cuivre, Nickel, Perle naturelle, 21 x 36 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Hypermarché, 2024
Tempera sur papier / Tempera on paper, 13,5 x 18cm (Cadre / frame : 24 x 32 cm).
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Joueur de water-polo, 2024
Dessin à l'encre sur papier / Ink on paper, Papier : 18 x 26 cm, Dessin 13,2 x 17,5 cm, Cadre / Frame : 21,6 x 29 cm.
© Grégory Copitet
↑ Jean Claracq, Joueur de football, 2024
Dessin à l'encre sur papier / Ink on paper, Papier 18 x 26 cm, Dessin 11,2 x 17,5 cm, Cadre / Frame : 21,6 x 29 cm.
© Grégory Copitet

PRESS RELEASE:

JEAN CLARACQ
Born in 1991
Lives & works in Marseille

Jean Claracq fait revivre le passé par le biais de remarques avisées sur l’industrie culturelle du XXIe siècle. Les peintures de Claracq exploitent, sous la forme la plus délicate et la plus raffinée, le langage de la publicité et des médias sociaux pour construire le désir, la fascination et la luxure. Avec des références éclectiques qui vont des peintures médiévales aux éléments de la culture pop contemporaine, une vision dystopique de la joie de vivre dévoile une nouvelle alternative à la perception divine du monde. Dans son travail, Jean convoque l’ambiguïté entre la joie et le plaisir mêlés à l’angoisse d’un monde déstructuré proche de l’effondrement, ainsi il évoque l’architecture et l’étude de zones périurbaines, notamment les parkings de voitures, symbole d’un monde aliéné par la consommation jusqu’à sacrifier sa propre existence.
En 2023, il reçoit le Prix Pierre Cardin en peinture de l’Académie des Beaux-Arts.



Jean Claracq brings the past forward via savvy remarks on the culture industry of the 21st century. Claracq’s paintings exploit, in the most delicate and refined form, the language of advertisement and social media to construct desire, fascination, and lust. With eclectic references that range from medieval paintings to elements of contemporary pop culture, a dystopian view of the joie de vivre unveils a new alternative to the divine perception of the world. In his work, Jean evokes the ambiguity between joy and plea- sure mixed with the anguish of an unstructured world on the verge of collapse. He evokes the architecture and study of suburban areas, in particular car parks, the symbol of a world alienated by consumerism to the point of sacrificing its own existence.
In 2023, he was awarded the Prix Pierre Cardin in Painting by the Académie des Beaux-Arts.

EXPOSITIONS SÉLECTIONNÉES
SELECTED EXHIBITIONS

SOLO SHOWS
Musée National Eugène Delacroix (Paris, 2021) ; Galerie Sultana (Paris, 2021) ; Open Space #7 Jean Claracq, Fondation Louis Vuitton (Paris, 2021)

GROUP SHOWS
Hangar Y, Meudon, (France, 2023) ; Group Show, Villa noailles, (Hyères, 2023) ; Immortelle, MO.CO (Montpellier, 2023) ; Close, Grimm Gallery (London, 2023) ; FRAC Pays de Loire, (Nantes, 2023) ; Soft Touch, Sultana Summer Set, (Arles, 2023) ; Il faudrait que je me calme, Mendes Wood DM (Brussels, 2022) ; Des corps, des écritures, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (Paris, 2022) ; Entre tes yeux et les images que j’y vois, Fondation d’entreprise Pernod Ricard (Paris, 2022) ; Manifesto of fragility, 16ème Biennale de Lyon (Lyon, 2022) ; Traverser les silences, Dilecta (Paris, 2021) ; Des Corps Libres, Reiffers Art Initiatives (Paris, 2021) ; Masculinité(s), Le Sept (Paris, 2020) ; Boys Don’t Cry, Le Houloc, Aubervilliers (2020) ; J’aime, je n’aime pas, Galerie EIGEN + ART (Leipzig, 2020) ; Collection Agnès B, La FAB, (Paris, 2020) ; Le Hurlement du Papillon by Double Séjour, La Maison Moustache (Paris, 2019) ; Futures of Love, Magasins Généraux (Pantin, 2019) ; Umbilicus, Sultana, (Paris, 2019) ; Futures of Love, Magasins Généraux (Pantin, 2019) ; Mais pas du tout, c’est platement figuratif! Toi tu es spirituelle mon amour!, Jousse Entreprise (Paris, 2019).

Sultana