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Ces élévations rugueuses faites d’angles et de courbes alambiquées seraient-elles advenues entre des mains abandonnées aux injonctions de la forme, à la marge de tout programme cognitif sauf celui qui consiste à laisser la matière accueillir les influences inconscientes et les visions fugaces, bref, l’inspiration ? En effet, les sculptures de la série Kink (More Honour’d in the Breach) n’ont d’autre nécessité qu’elles-mêmes, ni d’autre finalité, dans une sorte d’existentialisme rocheux – cherchant même à atteindre un état de plénitude réservé aux décors de jardin. Cette humeur légère infuse leur corps minéral qui semble aspirer à un mouvement centrifuge, poussant ses capacités physiques dans une démonstration de souplesse un peu crâneuse, à l’image de cette expression décontractée d’une abstraction pure, trônant à hauteur de genoux sur un socle. Mais cette suspicion de naïveté ne saurait résister à un cartel – ou un œil averti : il s’agit bien là d’une série de céramiques, sculptures en terre cuite chamottée. Et cette indication technique confirme le penchant des œuvres de Bettina Samson pour le double jeu tout en poussant dans les sables mouvants toute interprétation trop sûre. Le récit sur l’origine des formes s’en trouve entièrement retourné. Quand la matière dure et sèche révèle sa vraie nature, humide et élastique, quand le geste irréversible (de la taille directe) s’avère procéder par tâtonnement – le matériau évidé étant de fait un matériau ajouté – que le cuit passe pour cru, alors que vaut de distinguer l’envers de l’endroit ou encore une citation de l’architecture brutaliste d’une référence à la sculpture biomorphique, parmi les illustrations du Moi et du Ça de la modernité ? L’orthodoxie à laquelle s’astreint Bettina Samson est donnée dans ce sous-titre emprunté à la poésie Shakespearienne ; traduisons que les dogmes esthétiques comme les protocoles techniques sont ici « honorés par l’infraction ». La méthode s’applique au petit tableau de verre coloré fusionné et gravé par sablage en hommage au Josef Albers transcendé par la rencontre des bas-reliefs mayas (By the Hollow). Là encore la matière liquide opère la fusion des mythes et des utopies pour se figer dans un objet en suspens, comme piégé dans l’arrêt sur image de sa métamorphose, à la croisée de ses destinés (entre l’art pour l’art et le décoratif, par exemple). Mais c’est là, précisément, que l’objet saisit sa belle opportunité ! Et dans un élan optimiste s’échappe du scénario historique, jusqu’à tenter de s’affranchir de ses propriétés physiques : éprises de cette formule philosophique tout droit sortie d’un manuel de coach personnel qui donne son titre à l’exposition, les faïences s’activent ! Cet animisme joyeux – hors des terriers alchimistes et des antres ésotériques – Bettina Samson l’a débusqué dans l’ADN de la modernité. En effet, l’hybridation des héritages, de Rudolf Steiner à Hans Arp, convoquée dans la série Kink sait ce qu’elle doit à Walt Disney et aux premiers Mickey Mouse dessinés par Ub Iwerks et pour lesquels Serguei Eisenstein proposa de relier la technique de l’animation à l’animisme. Les trois ensembles composant Anima (Steam Whistles) matérialisent dans la faïence émaillée la chorégraphie des sifflets de Steamboat Willie, qui, dans leur anthropomorphisme minimal se font les emblèmes burlesques d’une pulsion vitale – chanter et danser étant la seule raison d’être des personnages de Disney. Empêchés par un mode de représentation à contre-emploi, les trois acolytes tentent tous les efforts pour faire durer le spectacle dont l’illusion s’est dissipée. Mais ils peuvent compter sur l’encouragement d’autres objets qui opèrent autour d’eux de discrètes incantations de seconde main. Ainsi de cette brique réfractaire déguisée en pierre philosophale (La Borne), ou de ces caractères d’imprimerie érigeant un totem constructiviste à l’honneur d’une ponctuation expressive (Bauspiel). Julie Portier These rugged elevations made of convoluted angles and curves, do they occur between hands abandoned to injunctions of form, at the margin of all cognitive program except that which consists of leaving the material to welcome unconscious influences and fleeting visions, in short, inspiration? In fact, the sculptures from the series Kink (More Honour’d in the Breach) have no other necessity than themselves, nor other purpose, in a sort of rocky Existentialism – even searching to achieve a state of fulfilment usually reserved for garden decor. This light humour infuses their mineral body that seems to aspire to a centrifugal movement, pushing its physical capacities in a demonstration of slightly pretentious flexibility, like that relaxed expression of a pure abstraction, presiding on a knee-high pedestal. But this suspicion of naivety cannot resist a label – or an informed eye: it is indeed a ceramic series, sculptures in grog (chamotte terracotta). This indication of technique confirms the penchant Bettina Samson’s artworks have for the double play, shifting the sands around any solid interpretation. The tale of the origin of the forms is turned entirely upside down. When the hard, dry material reveals its true nature, moist and elastic, when the irreversible gesture (carving) turns out to be preceded by trial and error – the hollowed material actually being an added material – that the fired work, having been subjected to a transformation by fire, appears to be unfired, what is it worth to distinguish the underside of the area or again a citation of Brutalist architecture, a reference to biomorphic sculpture amongst illustrations from The Ego and the Id of Modernity? The orthodoxy with which Bettina Samson constrains herself is given in this subtitle borrowed from Shakespearean poetry; only translating the aesthetic dogma as technical protocol, here “honoured by infraction.” The method is applied to the small glass painting coloured, fused and etched by sandblasting in homage to Josef Albers who was overcome by Mayan bas-reliefs (By the Hollow). There again the liquid material brings about the fusion of myths and utopias to be frozen in an unresolved object, as if trapped in a freeze frame of its metamorphosis, at the crossroads of its destinies (between art for art’s sake and the decorative, for example). But it is precisely there that the object seizes its wonderful opportunity! In an optimistic momentum it escapes the historic scenario, to the point of attempting to free itself from its own physical properties: besotted by this straightforward philosophical formula borrowed from a private coaching manual - See the Bright Opportunity in Each New Day - the ceramics are activated! Away from alchemists’ burrows or esoteric lairs, Bettina Samson flushes out this joyous animism from the DNA of Modernity. In fact the hybridisation of legacies, from Rudolf Steiner to Hans Arp, summoned in the series Kink knows what it owes Walt Disney and the first Mickey Mouse drawn by Ub Iwerks for which Sergei Eisenstein proposed reconnecting animation techniques to animism. The three ensembles making up Anima (Steam Whistles) materialise in the earthenware enamelled with the choreography of Steamboat Willie’s whistles, that, in their minimal anthropomorphism, become burlesque emblems of a vital drive – dancing and singing being the Disney characters’ only raison d’être. Prevented by a mode of representation that plays against character, the three accomplices make every effort to prolong the show for which the illusion has dissipated. But they can rely on the encouragement of other objects that operate around them, discreet, second-hand incantations. Like this defiant brick disguised as philosopher’s stone (The Marker), or printer’s letters erecting a Constructivist’s totem honouring an expressive punctuation (Bauspiel). Julie Portier |