PRESS RELEASE:
SONO ANDATI
Kévin Blinderman & Adrien Fregosi
Curated by Valentina Rosas & Guillaume Sultana
"Sono andati" est l’acmé de l'émotion dans "La Bohème", opéra de Giacomo Puccini, incarnant le désir profond de Mimi, personnage de cet opéra, et son acceptation brutale d’une mort imminente. Cet air devient un moment profond d'introspection et de vulnérabilité, un testament retentissant des thèmes de l'amour, de la perte et de la nature éphémère de l'existence.
Un sentiment ambigu d'accablement mêlé à celui de la tendresse imprègne l'espace de la galerie. Les œuvres de Kévin Blinderman et d'Adrien Fregosi évoquent un mélange d'émotions violemment conflictuelles, à la frontière délicate de la farce et de la tragédie. À travers les coups de pinceau et les sculptures, un espace contemplatif émerge - une beauté douce-amère qui reflète les sentiments intemporels trouvés dans le chef-d'œuvre de Puccini, approfondissant les thèmes de l'amour, du sacrifice et de la maladie.
"My Life is a Drama, with a Beginning, a Middle and No End", une peluche trouvée aux Buttes Chaumont, se montre comme un flot d'émotions mélangées. Perchée sur un socle monumental, la peluche acquiert un sentiment de grandeur malgré la saleté, l'âge et l'abandon : un monument de mélancolie.
Autour de ce socle, les peintures de chiens et de personnages d'Adrien résistent à la promesse d'une traduction. Ce sont des moments fugaces, presque intemporels, qui nous confrontent à des sentiments divers : l'inquiétude, la tendresse, qui évoque la vie autant qu'ils annoncent la mort. La métonymie est le message : récits de désirs latents et manifestés. Le langage pictural de l’artiste se nourrit de l’absence d’une chose qui provient de l'enchevêtrement paradoxal de la perte et de l'amour, de la combinaison de la douleur et du plaisir, une référence au passé, à nos vies, à nos souvenirs.
La fascination d'Adrien pour les chiens vient de la comédie américaine "Best in Show", qui dépeint les coulisses d'un concours de beauté canine. Pour lui, cette comédie est le reflet des réflexions sociétales sur la séduction, la parade et la farce. Le chien devient l'incarnation symbolique de la psyché primitive de l'humanité - une manifestation de ce qui nous rend à la fois humain et sauvage, tout en révélant notre potentiel empathique.
Mais les chiens ne connaissent pas le sens d'hier ou d'aujourd'hui, ils se déplacent et se reposent sans conscience du passage du jour, s'imprégnant de l'amour qu'ils reçoivent, de la gloire du moment, n'éprouvant ni mélancolie ni satiété. C'est peut-être pour cela que le chien est si présent dans ces œuvres ; sans doute manifestent-elles le désir de ne pas susciter ces sentiments, car comment réagir à la sensation de noyade que provoque la mélancolie ? On l'ignore et on passe à autre chose, ou l’on est paralysé par son poids. Adrien le traduit en peinture. Ses références sont simplifiées à l'extrême, un choix délibéré pour accentuer la présence - notre présence - dans le monde. Dans cette simplicité, les toiles résonnent de la cadence des moments joyeux et des déceptions, de l'urgence, du courage, de la danse inexorable entre la vie et la mort.
Au sous-sol, une mélodie nous attire dans un espace immaculé, enchanté par une version live de Sono Andati. Kévin s'éloigne de son exploration habituelle de l'obscurité avec une installation sonore : une sculpture hybride à l'esthétique vide et désincarnée fait d’enceintes sur pied. Kévin entame un nouveau chapitre de sa carrière, délaissant les compositions électroniques pour embrasser un nouveau genre musical qui suscite néanmoins l'intense sentiment d'impuissance et de désastre assuré que l'on retrouve dans ses précédents travaux d’installation.
Avant le modernisme, les sculptures étaient des repères solennels, attachés à des piédestaux, signifiant un sentiment de permanence. La sculpture de Kevin, cependant, mêle harmonieusement ces éléments à des formes contemporaines. Dans la logique de la représentation, le piédestal apparaît comme un composant intégral, agissant comme un médiateur entre son lieu de monstration et son symbolisme. Le socle se métamorphose en force morphologique, propulsant l'essence figurative des enceintes.
Inspiré par le XIXe siècle, époque de la sortie de l'opéra de Puccini, Kévin s'accapare pour la première fois le médium pictural. Il s'efforce d'intégrer des formes traditionnelles dans sa pratique contemporaine. Utilisant l'intelligence artificielle comme outil de création, il génère des peintures dans le style d’artistes historiques, créant un lien entre passé et présent. Kévin utilise l'intelligence artificielle pour créer de nouvelles œuvres en se servant de "Gay kiss" comme mots de génération. L'image générée est ensuite traduite sur toile par un artiste tiers, établissant ainsi un lien significatif avec sa pratique globale, ancrée dans la collaboration et la collectivité. Le choix de ce thème n'est pas arbitraire, mais trouve son origine dans un examen critique de l'un des chefs-d'œuvre emblématiques du modernisme, Le Baiser de Gustav Klimt. Kévin y discerne un vide dans la représentation de ce sujet, dans les œuvres des maîtres qu'il admire profondément. Les peintures de Kévin sont un acte rebelle de réécriture et de réparation, insufflant à des fragments de l'histoire de l'art des représentations qui étaient auparavant absentes, en particulier dans le contexte de l'homosexualité. Ce faisant, Kevin ajoute son identité pour combler les lacunes laissées dans l'histoire des images.
L'association de Kévin Blinderman et d'Adrien Fregosi ne semble pas évidente à première vue - leurs pratiques diffèrent, leurs références et leur rapport au monde diverge. Pourtant, dans cette proximité, ils tissent ensemble une réponse émotionnelle qui souligne finalement la nature fragile et impermanente de la vie elle-même.
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"Sono andati" is the poignant peak of emotion in Giacomo Puccini's opera "La Bohème", embodying Mimi's deep longing and her brutal acceptance of impending death. This aria becomes a profound moment of introspection and vulnerability, a resounding testament to the themes of love, loss and the ephemeral nature of existence.
A feeling of abjection entwined with an ambiguous tenderness permeates the gallery space. The works of Kévin Blinderman and Adrien Fregosi evoke a violently conflicting mix of emotions, straddling the delicate boundary between farce and tragedy. Through brushstrokes and sculptures, a contemplative space emerges — a bittersweet beauty that mirrors the timeless sentiments found in Puccini's masterpiece, delving into themes of love, sacrifice, and illness.
"My Life is a Drama, with a Beginning, a Middle and No End," the discovered teddy bear, emerges as a vortex of mixed emotions. Perched atop a monumental socle, the teddy bear gains a sense of grandiosity despite its dirt, age, and abandonment: a monument of melancholy.
Surrounding this plinth, Adrien’s paintings of dogs and personnages resist the promise of translation. They are fleeting instances, almost timeless moments, that confront us with feelings of ambiguity, concern, and tenderness dealing with life as much as they announce death. The metonym is the message: narratives of latent and manifested desires. His pictorial language signifies the absences of something that comes from the paradoxical entanglement of loss and love, the combination of pain and pleasure, a reference to the past, our lives, our memories.
Adrien's fascination with dogs comes from the American comedy "Best in Show," depicting the behind-the-scenes of a canine beauty contest. For him, it mirrors societal reflections of seduction, parades, and sham. The dog becomes a symbolic embodiment of the primitive psyche of humanity — a manifestation of what makes us human, and what renders us sauvage, yet revealing our most able empathic encounters.
But dogs do not know the meaning of yesterday or today, they move and rest without consciousness of the passing of the day, taking up with the love they receive, the glory of the moment, feeling neither melancholy nor satiety. Perhaps this is why the dog is ever so present in these works; perhaps they manifest a desire of not arising to these sentiments, because how do you react to the drowning feeling of melancholy? You just ignore it and move on, or become paralyzed by its weight. Adrien translates it into painting. His references undergo extreme simplification, a deliberate choice to accentuate the presence — our presence — in the world. In this simplicity, the canvases echo with the cadence of joyful moments and deceptions, urgency, courage, and the inexorable dance between life and death.
Downstairs, a melody lures us in to an immaculate space enchanted by the live version of Sono Andati. Kevin diverges from his usual exploration of darkness with a sound installation: a hybrid sculpture sculpture made by standing speakers embracing an empty and disembodied aesthetic. Kevin embarks on a new chapter in his career, shifting from electronic compositions to embrace a new musical genre that nevertheless elicits the familiar intense sense of helplessness and assured disaster of his previous sculptural complexes.
Before modernism, sculptures stood as solemn markers, tethered to pedestals, signifying locations with a sense of permanence. Kevin's sculpture, however, seamlessly blends this with contemporary forms. Within the logic of representation and marking, the pedestal emerges as an integral component, acting as a mediator between the site and the symbolic sign. The base metamorphoses into a morphological force, propelling the figurative essence of the speakers.
Inspired by the XIX century, when the opera was released, Kevin ventures into painting for the first time. He endeavors to weave traditional forms into his contemporary practice. Utilizing Artificial Intelligence as a creative tool, he generates paintings in the styles of master artists, bridging the past and present. Kevin employs AI to craft new works using "Gay kiss" as prompt. The generated image is then translated onto canvas by an artist, establishing a meaningful connection with his overarching practice, rooted in collaboration and collectivity. The decision for this prompt is not an arbitrary one, but finds its root in a critical examination of one of modernism's iconic masterpieces—The Kiss by Gustav Klimt. Here, Kevin keenly discerns a void in the representation of this subject matter, within the works of the masters he deeply admires. Kevin’s paintings are a rebellious act of rewriting and repairing, infusing fragments of art history with portrayals that were previously absent, particularly within the context of homosexuality. In doing so, Kevin adds his identity to mend the gaps left in the history of images.
The pairing of Kévin Blinderman and Adrien Fregosi may not seem obvious at first — their practices differ, they hail from different frame of references, and their relation to the world diverge. Yet, in this proximity, they weave together an emotional response ultimately underscoring the fragile and impermanent nature of life itself.
— Valentina Rosas
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